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Avec la loi de réforme de l’assurance maladie du 13 août 2004, un nouveau type de sanction a été introduit, touchant non seulement les médecins, mais également d’autres acteurs comme les assurés sociaux, les établissements de santé, les employeurs et les professionnels de santé. Tout manquement au code de la sécurité sociale peut désormais être sanctionné par une pénalité financière imposée par le directeur de la CPAM ou d’autres caisses.

Le contrôle des médecins s’agissant de leurs prescriptions d’indemnités journalières s’est largement intensifié ces dernières années. Il fait partie d’un plan de lutte contre la fraude à la sécurité sociale. 

Le nombre d’arrêts-maladies a effectivement augmenté de plus de 40 % sur une décennie. En 2022, 8,8 millions d’arrêts de travail ont été prescrits en France, avec un coût de 14 milliards d’euros pour l’Assurance maladie selon France Info

Face à ce constat, l’Assurance Maladie a contacté à l’été 2023 plus de 5000 médecins identifiées comme étant d’importants prescripteurs d’arrêts de travail. 

Depuis la loi no 2018-1203 du 22 décembre 2018, la lutte contre la fraude a même un chapitre entier consacré au sein du code de la sécurité sociale, à savoir le Chapitre IV Ter intitulé « Dispositifs de contrôle et relatifs à la lutte contre la fraude ». 

Au sein de ce chapitre, se trouve l’article L114-17-1 du code de la sécurité sociale qui prévoit la procédure de pénalités financières et qui confère au Directeur de la caisse concernée – généralement il s’agit de la CPAM – de prononcer une sanction financière à l’encontre d’un professionnel de santé. 

Intention et bonne foi : la pénalité est due pour toute inobservation des règles du Code de la sécurité sociale, du Code rural ou du Code des affaires sociales et familiales ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d’une prestation en nature ou en espèces par l’organisme local d’assurance maladie. La pénalité n’est pas subordonnée à l’intention frauduleuse. ● Civ. 2e, 28 mai 2020, no 19-14.010 

Toutefois, la loi du 10 aout 2018 a introduit une exception de bonne foi au II 1° du même article. Si le praticien a agi en toute bonne foi, l’assurance maladie ne pourra pas lui reprocher cette inobservation. Selon la jurisprudence, la bonne foi étant présumée, il appartient à l’organisme de sécurité sociale d’établir la preuve de la mauvaise foi de l’assuré en cas de contestation.

S’agissant particulièrement des médecins, la procédure de pénalité financière peut ainsi être déclenchée en cas de non-respect :

  • de l’obligation d’établir des prescriptions conformes aux protocoles de soins pour les assurés concernés,
  • de la mention du caractère non-remboursable des produits et services prescrits,
  • des règles de présentation des feuilles de soins et ordonnances,
  • des classifications d’actes médicaux,
  • des conditions de vérification des cartes électroniques personnelles (carte vitale et carte de professionnel de santé),
  • des informations justificatives pour les arrêts de travail et les transports prescrits.

Quand un médecin ne respecte pas les conditions prévues par le code de Sécurité sociale pour les prestations d’arrêt de travail ou de transport ou quand ses prescriptions sont significativement supérieures aux données moyennes constatées pour les médecins de la même union régionale de caisses d’assurance maladie, la procédure est légèrement différente.

Dans tous les cas, il est à noter qu’il ne peut y avoir de cumul entre les pénalités financières et les sanctions conventionnelles pour les mêmes faits. 

Du fait la complexité de la procédure, il est vivement conseillé de se faire assister par un avocat spécialisé.

I/ Les étapes du contentieux : 

 La mise en œuvre de cette procédure est détaillée à l’article R.147-2 du code de la sécurité sociale

1. Mise en garde

L’organisme d’assurance maladie compétent envoie au médecin une lettre de mise en garde par courrier recommandé. Le médecin dispose d’un mois pour ajuster sa pratique. Cette mise en garde n’est pas obligatoire dans certains cas, notamment en cas de récidive dans les deux ans ou si le montant en jeu dépasse la moitié du plafond mensuel de la sécurité sociale. 

2. Notification des faits et du montant de la pénalité

Si le médecin ne modifie pas sa pratique, le Directeur de la Caisse lui adresse a une notification en lettre recommandée précisant les faits reprochés et la pénalité envisagée. Le médecin peut alors demander une audition ou présenter des observations écrites, qui seront conservées pour toute procédure ultérieure. Si le médecin n’a pas convaincu dans ces explications ou s’il ne s’est pas manifesté, le Directeur de la caisse peut soit émettre un avertissement ou bien poursuivre la procédure et transmettre le dossier à une commission pour avis. 

3. Avis de la commission des pénalités financières

La commission, composée de représentants de l’assurance maladie et de médecins, examine les faits et peut entendre le médecin. Ce dernier peut se faire assister ou représenter par la personne de son choix.  Elle rend un avis motivé sur la responsabilité du médecin et le montant de la pénalité, dans un délai d’un mois à la suite de sa saisine. Elle peut demander un délai supplémentaire d’un mois. Si le délai est dépassé, la Commission est réputée avoir rendu son avis. Le Directeur de la caisse décidera donc seul de la sanction. 

Obligation de motivation de l’avis de la commission des pénalités : il résulte des dispositions issues du II de l’art. R . 147 – 2 CSS que la commission, mentionnée à l’art. L. 114-17-1, V, CSS, rend un avis motivé, portant notamment sur la matérialité et la gravité des faits reprochés, la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité ou de chacune des pénalités susceptibles d’être appliquées. Il s’ensuit que l’absence ou l’insuffisance de motivation de l’avis de la commission entache de nullité la pénalité prononcée par le directeur de l’organisme. ● Civ. 2e, 22 oct. 2020, no 18-25.904

4. Décision du Directeur de la Caisse

Après avis de la commission ou à défaut de réponse, le directeur de la Caisse peut soit abandonner la procédure, soit émettre un avertissement, soit poursuivre la procédure. Dans ce cas, il a 15 jours pour saisir le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie d’une demande d’avis conforme. A défaut de saisine dans le délai imparti, la procédure est réputée abandonnée. Le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de la demande pour formuler son avis. Si le directeur général ne s’est pas prononcé dans ce délai, son avis est réputé favorable.Si l’avis du directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie est défavorable, la procédure est abandonnée. Si l’avis du directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie est favorable, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie dispose d’un délai de quinze jours pour notifier la pénalité à la personne en cause par une décision motivée et par tout moyen permettant de rapporter la preuve de la date de réception. Il en adresse une copie à la commission à titre d’information. A défaut de notification dans le délai imparti, la procédure est réputée abandonnée. La notification de payer doit être motivée, indiquer le montant définitif de la pénalité, le délai de 2 mois pour s’en acquitter ainsi que les voies de recours. Le montant de la pénalité est toujours plafonné en fonction du préjudice de la caisse 

5. Voies de recours

Le médecin peut contester la sanction devant le Tribunal administratif dans un délai de deux mois. Le recours ne sera pas suspensif sauf à introduire un référé-suspension mais il faudra démontrer l’urgence. 

6. Mise en demeure et contrainte

Si le médecin ne paie pas la pénalité, la Caisse peut le mettre en demeure puis délivrer une contrainte, ayant les effets d’un jugement en cas d’opposition non formulée.

II/ Les particularités de la procédure s’agissant des prescriptions d’arrêts de travail ou de transport : 

Lorsque la caisse reproche au médecin d’avoir injustifié ou trop prescrit des arrêts de travail ou des transports, le Directeur de la caisse peut décider de mettre en place deux dispositifs, avant l’activation de la procédure précédemment décrite : 

1. Mise sous accord préalable 

Le directeur de la caisse met d’abord en demeure le médecin concerné de présenter ses observations. Il les transmet à la même commission des pénalités financières. Après avis de cette commission, le directeur de la Caisse peut décider, pour une période qui ne peut dépasser six mois, de subordonner la couverture des frais de transport ou le versement des indemnités journalières à l’accord préalable du service de contrôle médical de la Caisse. Cette procédure est détaillée à l’ L162-1-15 du code de la sécurité sociale et aux articles R148-7 et suivant du même code. 

Non-respect de la mise sous accord préalable : il résulte de l’art. L. 162-1-15 CSS qu’aucune prise en charge des actes, produits ou prescriptions visés par ce texte ne peut être imposée à la caisse en cas de méconnaissance, par le médecin prescripteur, de la procédure d’accord amiable du service médical. La violation de cette règle cause à la caisse un préjudice direct et certain, constitué par la prise en charge des prestations en nature dispensées aux assurés. ● Civ. 2ème, 9 mai 2018, n 17-17.984 

2. Objectifs de réduction de prescription 

Le directeur peut aussi décider de fixer des objectifs de réduction des prescriptions des arrêts maladie ou des transports. Il peut le faire en vertu des articles R148-3 et suivant du code de la sécurité sociale. La proposition notifiée tient compte de la situation constatée ainsi que, le cas échéant, des observations de l’intéressé. Elle mentionne un certain nombre d’éléments et notamment l’objectif de réduction du nombre des prescriptions, le montant maximum de la pénalité encourue, l’avertissement qu’à défaut de réponse de l’intéressé, la proposition sera considérée comme acceptée. L’intéressé peut toujours refuser la proposition. Il doit exprimer son refus dans un délai de quinze jours à compter de la notification. Mais en cas de refus le médecin s’expose à la procédure de sanction financière. Au plus tard dans les six mois suivant le terme de la période fixée pour réaliser l’objectif, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie notifie au professionnel de santé le bilan détaillé de son objectif de réduction des prescriptions, des réalisations ou des montants de remboursement, précisant s’il a ou non atteint l’objectif fixé et dans quelles proportions. 

Si l’objectif n’a pas été atteint ou si la mise en accord préalable a échoué, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie informe le professionnel de santé s’il envisage de poursuivre la procédure de sanction financière prévue à l’article L. 114-17-1 et explicitée ci-dessus.